Journaliste : Dans L'homme révolté, Camus définissait le rebelle comme l'« homme qui dit non ». Les Matinées historiques organisent une nouvelle édition autour de ces personnages qui, par leur rébellion, ont marqué l'histoire et tous les hommes et les femmes, ouvriers, soldats, intellectuels, qui ont pu « devenir des créateurs d'utopies et fondateurs de mondes nouveaux », selon le programme, et qui sont, parfois, à l'origine de révolutions. L'histoire est pleine de ces figures de rebelles. Mais aujourd'hui, qui sont-ils ? Y en a-t-il même encore ? Léonie Faro, organisatrice du colloque nous répond.
Léonie Faro : Oui, bien sûr, aujourd'hui, les personnes qui manifestent leur opposition sont nombreuses : les Bonnets rouges en Bretagne qui sont contre l'écotaxe, les frondeurs dans les familles politiques qui partent en claquant la porte ; les Indignés, ces foules d'anonymes, qui ont réagi, dans toute l'Europe, à l'appel de Stéphane Hessel pour dénoncer l'austérité et le taux élevé du chômage… Il y a un éventail très large de la protestation, mais tout le monde est au moins d'accord sur un point : l'exaspération. Le message est toujours le même : c'est assez ! On constate qu'en général il n'y a plus réellement d'idéologie politique. Il y a surtout une véritable inquiétude face à l'avenir, notamment dans le domaine de l'économie mais aussi de l'environnement.
Journaliste : La rébellion aujourd'hui est-elle plutôt le fait de groupes ou d'individus ?
Léonie Faro : Plutôt de groupes car elle est plus visible quand elle est portée par une vaste communauté. Mais il semble qu'on a besoin d'incarner la rébellion à travers un visage charismatique pour fédérer les foules. C'est le cas avec ce jeune lycéen de 17 ans qui est devenu le porte-voix de la jeunesse en Chine. Cependant, il y a aussi des rebelles inconnus, anonymes, isolés. Ils ne sont pas toujours là où on les attend. Le problème c'est qu'en plus on ne sait pas toujours entendre la voix de ces rebelles, car ils sont parfois trop avant-gardistes. Peut-être que les penseurs, les militants, mal connus d'aujourd'hui seront les rebelles de demain. Leur action pourrait ne pas être immédiate.
Journaliste : Et ont-ils un véritable pouvoir dans la société actuelle ?
Léonie Faro : La protestation incarne toujours une aspiration au progrès, une volonté d'améliorer les choses. D'être plus libre. Je crois que l'histoire nous a montré qu'en effet, les rebelles peuvent être de véritables leviers pour transformer la société et la rendre meilleure.